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Monographie

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René Teil en 1960Un peintre lumineux frappé d’oubli

Genèse d’une découverte

Les nombreuses publications des historiens de l’Art tout comme l’activité de mieux en mieux structurée du marché mondial des ventes publiques – notamment à travers les grandes bases de données Internet – font qu’il est rarissime de perdre toute trace d’un artiste ayant tant soit peu compté en son temps. En particulier s’il a vécu au XX° siècle. Quelques collectionneurs ou historiens chanceux font encore parfois des découvertes, mais presque toujours antérieures au XIX°. Et encore, les peintres de talent qui de temps à autres « ressortent » n’étaient-ils pas véritablement disparus mais plutôt oubliés.


La Marne à ChellesLe cas de René Teil est donc très singulier : après trois quarts de siècle d’une vie presque entièrement consacrée à la peinture, après une carrière très honorable encouragée par les louanges de grands critiques d’art et d’artistes parmi les plus renommés de son temps, une carrière soutenue avec fidélité par d’importants marchands de tableaux, une carrière enfin concrétisée par une présence régulière dans les Salons et par des expositions dans les galeries les plus prestigieuses à Paris – parfois en compagnie de peintres contemporains déjà fort célèbres – il a totalement disparu. Depuis sa mort en 1985, plus aucune trace de lui : aucune référence bibliographique, absence totale dans toutes les banques de données des ventes aux enchères. Rien. En dépit de la très haute qualité de sa peinture, de son incontestable talent poétique et du succès professionnel que la vie lui avait offert, Teil a disparu !…
En proposant ici à l’amateur et à l’historien la découverte de ce peintre sincère et original dont aujourd’hui nul ne sait plus rien, nous allons essayer de comprendre pourquoi et de réinscrire son travail dans l’Histoire de l’Art de son temps. Car, en dépit de cet oubli – ou au contraire à cause de lui ? – il reste de René Teil la plus riche et la plus importante des traces : un « fond d’atelier » extraordinaire, environ quatre cent cinquante œuvres – huiles sur toile, dessins, aquarelles, gravures – en parfait état de conservation, épargnées par la dispersion qu’aurait pu engendrer le désintérêt ou la désaffection des héritiers pour un artiste effacé et des mémoires et du marché.

Nature morte au compotierEn mai 2008, nous recevons un courrier d’une personne inconnue de nous qui prend contact parce que son grand-père, décédé depuis vingt-trois ans, était peintre et comptait André Dunoyer de Segonzac [ pour tous les noms propres, voir l’index  « Autour de Teil » ] parmi ses amis. Elle vient d’hériter des tableaux de cet aïeul, et demande conseil. Quelques documents de présentation d’expositions sont joints à l’envoi : le nom prestigieux des galeries éveille notre attention et les reproductions des tableaux – imprimerie en qualité années 40 ! – attirent notre œil, nous intriguent un peu. Une rapide recherche sur ce René Teil, totalement infructueuse, excite enfin notre curiosité.
La petite fille de l’artiste habitant dans le sud-ouest de la France, nous lui proposons alors de venir voir ces tableaux chez elle si elle le souhaite lors d’un prochain voyage dans sa région, et en décembre 2008 nous lui rendons visite. Ce fut un choc : en une après-midi, nous verrons presque trois cents œuvres d’un style absolument original, rapide, dépouillé, exigeant, sans aucun effet flatteur. Sur une très longue période de travail, il ressort une unité et une constance dans l’ambition de ce peintre acharné à tenter de capter l’éphémère de la lumière dans un paysage, la vibration de l’air autour d’une nature morte, le mystère de la personnalité secrète du modèle dans un portrait, à traduire d’une palette vive et d’un trait rapide l’émotion qu’il en éprouve et la beauté qu’il voudrait partager. Sur l’ensemble de ce que nous verrons ce jour-là, la qualité est bien sûr parfois inégale, mais même « le moins bon » témoigne de la sincérité de l’artiste, de l’originalité de sa recherche, de la constance de son exigence personnelle, et finalement plaide en faveur du peintre. Les filiations, les influences, la marque des prédécesseurs, en un mot la culture esthétique de Teil transparaissent aussi clairement dès ce premier contact : Dunoyer de Segonzac, c’est évident, mais aussi Marquet, Matisse, Vlaminck. Teil est un artiste modeste et discret, on le pressent dès l’abord, mais on comprend aussi en regardant son travail qu’il est un homme fort cultivé. Nous sommes perplexes… comment plus de trois cent œuvres de cette qualité peuvent-elles être à ce point ignorées de tous,  « perdues » – quoique très soigneusement et respectueusement conservées – dans la campagne du Gers ? Si le nom de ce peintre n’a laissé de trace nulle part, il ne peut y avoir qu’une seule explication : nous avons bâclé notre recherche ! Pourtant, il faudra se rendre à l’évidence : le nom de René Teil s’est effacé de toutes les mémoires dans l’Histoire de l’Art du XX° siècle.
Un grand nombre d’autres tableaux étant resté chez la belle-fille du peintre, en région parisienne, nous nous y rendrons quelques mois plus tard : la même sensation d’originalité et de sincérité du travail de Teil nous convaincra alors qu’il s’agit bien d’une œuvre originale dans le plein sens esthétique du terme. Et cette conviction nous conduira ensuite avec la force d’une évidence dans de très longues recherches documentaires, dont nous livrons ici les premiers résultats.

 

La vie et la carrière de René Teil

1910-1928

René Teil est un enfant de la Seine et Marne, avant d’être un peintre de la Seine et Marne. Né à Lieusaint le 10 juillet 1910, dans une famille très pauvre, d’une mère bretonne ouvrière dans une ferme de la commune et d’un père manoeuvre, d’origine auvergnate, il était l’aîné d’une fratrie de cinq garçons. Après la mort prématurée de son père en février 1920 – emporté par les suites des gaz de combat respirés durant la guerre de 14-18 –  il fut adopté par le Tribunal de Melun en janvier 1921, devenant ainsi avec ses quatre frères pupille de la nation.
Les artistes de talent font souvent tôt la rencontre avec leur art. La peinture est ainsi entrée précocement  dans la vie de René Teil : sa première boîte de peinture lui fut offerte à 13 ans par son instituteur, devenu en raison de l’adoption du garçon par l’Etat celui qui remplissait officiellement le rôle de père. Il avait remarqué les qualités de cet élève.
En 1923, après le remariage de sa mère, il quitte Lieusaint pour Moissy-Cramayel, quelques kilomètres à l’est et, en 1926, entre à l’Ecole Normale de Melun où il passera trois ans. Il occupe son premier poste d’instituteur en 1930 à Brie-Comte-Robert, où il rencontre sa première épouse, Denise Goujon. Elle aussi est institutrice. Ils se marient à Chalon-sur-Saône le 11 août 1930. De cette union naîtra un fils unique, André, prématurément disparu en 1986. C’est ensuite à l’école de la Villeneuve, à Chelles en Seine et Marne, que René Teil et son épouse Denise feront toute leur carrière dans l’Education Nationale. Maîtres appréciés autant que respectés ils y enseigneront jusqu’en 1965. Ce terroir marquera durablement la vie du peintre :  de très nombreuses toiles et aquarelles, saisissant le bruissement de l’eau et la lumière entre les arbres seront peintes entre Marne et Petit Morin, entre bords de Seine, discrets barrages et secrets ruisseaux.


1928-1940

Le Morin à Crécy

A partir de 1928, le travail de Teil et son ambition d’artiste se précisent. Deux documents autographes attestent que Charles Jacquemot a été son premier maître. L’influence de cet excellent peintre, aujourd’hui très oublié mais cependant présent dans l’Histoire de l’Art et dans les banques de données du second marché, se fera sentir tout au long de la vie créative de Teil. Jacquemot a travaillé à l’académie Julian ; il y a rencontré  Matisse et connaissait Marquet, en compagnie desquels il a souvent peint sur les bords de la Seine. René Teil gardera une trace ténue mais bien réelle, une influence certaine de ces trois peintres dans l’ensemble de son œuvre. Il est aussi probable que Jacquemot ait été à l’origine de la rencontre de Teil avec le peintre André Dunoyer de Segonzac, dont le travail influencera toute sa vie d’artiste : son amitié bienveillante et protectrice de son talent sera longue, chaleureuse et fidèle.
Au début des années 30, René Teil fréquente l’académie Scandinave où professe Othon Friesz. Les premiers carnets de croquis retrouvés datent de cette époque : on y trouve de délicieux portraits de son jeune enfant jetés sur le papier d’un crayon rapide et malicieux, tels que « Didy l’affamé », «Didy et le p’tit ours  », ou encore « Didy la grippe » daté du 10 février 1935 ; la même année, un premier autoportrait au crayon annonce déjà cette capacité d’aller à l’essentiel avec une grande économie de moyens propre à tous les maîtres du dessin, alors qu’il n’a que vingt-cinq ans. Mais ces carnets sont aussi le lieu d’une expression plus intime et de ses réflexions sur son propre travail. En témoigne ce texte datant de la même époque, que nous reproduisons intégralement ici, car ce sera l’unique discours théorisé sur l’Art que tiendra Teil tout au long de sa vie, et encore ne l’aura-t-il écrit que pour lui-même :

Tout art est un langage. L’artiste, quel qu’il soit, par des sons, par des mots, par des moyens plastiques exprime ce qu’il ressent à la perception de certains aspects de la nature. La valeur de l’œuvre d’art réside dans la valeur du langage employé et celui-ci est fonction de l’émotion ressentie. Un morceau de musique, même descriptive, n’est pas la restitution exacte des sons perçus, de même un tableau ne peut être la copie exacte de la nature, et par nature, j’entends tout aussi bien un paysage, un assemblage d’objets ou un portrait d’êtres vivants. (citant Raoul Dufy, ndla) « Avant tout la peinture est un art des yeux, des sens. Elle a pour base les plus belles couleurs, les plus belles lignes qui se puissent concevoir, belles en elles-mêmes et embellies par leur rapprochement et leurs harmonies. C’est donc un art très matériel. C’est dans son pinceau et sur sa palette que le peintre doit d’abord sa perfection » Dufy dit encore «  La peinture est un art de création spontanée, d’improvisations dirais-je ou l’artiste n’est qu’un intermédiaire entre l’inspiration qui veut s’exprimer et la matière de sa vie propre. Il est l’interprète, le traducteur de l’une et l’autre. L’artiste ne peut toucher à son inspiration, il la truquerait et la trahirait, il lui faut la donner telle quelle ». Peindre c’est donc essentiellement s’efforcer de traduire par des moyens plastiques, le sentiment d’un homme à l’égard de la vie. Il est clair que l’œuvre est d’autant plus belle, d’autant plus forte que le sentiment du peintre sera plus vif, plus aigu. Delacroix nous conte dans son journal quelle émotion étreignait son cœur de peintre lorsque son modèle cognait à la porte de son atelier. La femme qui allait se dévêtir devant lui allait sans doute avant tout proposer à son génie des formes, des lignes, des couleurs, mais elle demeurait la Femme, avec sa chaleur vivante. Waroquier d’autre part dit : « Peindre avec amour, peindre selon le sentiment qui anime le corps et l’esprit face à la vie. Saisir la vie activement de tout son être, avec une passion turbulente ou dans un calme profond, avec audace, avec rage et colère, ou avec retenue, réflexion, méditation ; avec sensualité ou avec foi et chasteté, peindre dans l’anxiété ou la béatitude, mais jamais en manches de lustrines. »
Pendant toute la durée du travail, vivre la chose à peindre, la vivre en esprit, la sentir en son corps et que la main serve l’esprit fougueux ou réfléchi, que la main pétrisse de caresses la chair d’une femme, tisse, valeurs et couleurs mêlées ou fondues, les hachures d’un lainage, durcisse le grain serré du métal, construise rudement l’agglomérat géologique du rocher. Que le peintre brosse avec emportement l’homme en colère, se sente soulevé de terre s’il représente un saint, tombe à genoux s’il ose créer Dieu.
Voulez-vous que je vous propose après ces fortes paroles qui définissent bien quelle doit être l’attitude du peintre vis-à-vis de son modèle, une image plus familière, mais non moins vraie que les précédentes ? Renoir disait :
«  J’estime que mon tableau est achevé, il fallait que alors que ces fameuses baigneuses, lorsque l’envie me prend d’appliquer des claques sur ces fesses. » (sic).
Tout dans une œuvre d’art digne de ce nom doit rendre la force d’un sentiment, d’une passion. Il faut que les moyens plastiques employés par l’artiste traduisent sa pensée. Il faut que l’on sente l’homme au travers de la toile, que l’œuvre soit un cri que chacun puisse entendre.
Ces quelques remarques posées nous permettent déjà de reconnaître une toile ayant quelque valeur artistique. L’œuvre ne sera valable que si elle exprime quelque chose d’humain. Loin de ces copies de la nature de ces tableaux hésitants où ne perce aucune personnalité et qui ressemblent trop à de mauvaises photographies en couleurs.
Une forme dans un tableau n’est pas seulement un volume coloré, ce doit être avant tout un  fruit, produit merveilleux de la terre, promis au plaisir de l’homme.
Il faut que les couleurs employées restituent, exagèrent le verni de la peau, son grain serré, lisse et froid et que sous l’émail des couleurs affirmant la maturité de ce fruit désirable vous sentiez la chair granuleuse et fondante. Il faut que par vos yeux, elle parle à votre ventre.
– Qu’un tableau flatte l’œil par le choix de ses couleurs, la matière de celles-ci, leur harmonie, l’équilibre des masses et des lignes, la répartition des ombres et des lumières, la douceur et la variété des passages de teinte ; puis alors qu’ayant satisfait vos sens il exalte une idée, un sentiment, voilà ce que l’on doit exiger d’une œuvre peinte.
– A travers le sujet, à travers l’œuvre on doit sentir l’homme. Van Dongen n’est vraiment grand, que, lorsque dans ses portraits il nous fait sentir toute la préciosité bébête et infatuée de la bourgeoisie ou la fraîcheur de la jeunesse, Dufy n’est un beau peintre que lorsqu’il nous communique grâce à ses arabesques colorées, l’amour de la vie, de la grâce, de la franchise, la passion de ce qui est joie. Vlaminck dans ses paysages orageux aux blancs si purs, si durs où jamais nul homme ne parait, exprime par quelques détails pittoresques la lutte que soutient l’homme contre une nature trop souvent triomphante.
Le peintre, par sa toile, exprime ses réactions vis-à-vis de la nature, et son sens de la vie. Mû par l’inspiration, armé de ses pinceaux et de ses pâtes, il va se libérer, crier sa joie trop grande ou sa peine trop vive, communiquer à d’autres ce que douloureusement il ressent. Alors comme une véritable lutte entre ce sentiment, cette passion qui veut s’affirmer et la matière trop souvent rebelle.
Et c’est de cette dualité tragique parfois, longue, puissante, que sortira grimaçante l’œuvre d’art.
Grimaçante, c’est bien le mot qu’emploie l’esthète Beyson, lorsqu’il dit aux peintres
« Faites grimacer le sujet ! ». Grimacer ne veut pas dire ici enlaidir, mais affirmer, préciser les caractères, allonger une taille, épaissir une bouche, dilater les narines frémissantes de l’être avide de saisir la vie ; voir, saisir, rendre saisissable et saisissant l’objet au travers de ce miroir déformant et expressif que doit être l’âme de l’artiste.
Comprendre la peinture ? Elle ne se comprend pas, elle ne se raisonne pas. Ce n’est pas un problème, une équation de lignes ou de couleurs proposées à l’esprit, à l’intelligence, c’est un cri qui s’adresse à nos sens, puis par eux gagne le cœur. Devant l’œuvre d’art, vous devez vous sentir saisi fortement, secoué, empoigné littéralement d’une véritable angoisse si là est le sentiment ressenti par l’artiste. Je ne connais personne que la vue du Naufrage de la Méduse de Géricault ou de La Liberté conduisant le peuple de Delacroix puisse laisser indifférent. Que votre poitrine se gonfle, que vos narines aspirent profondément,
que vos yeux s’ouvrent tout grand devant la fraîcheur, la verdeur, la profondeur, la légèreté d’un Cézanne ou d’un Corot !
Que l’eau vous vienne à la bouche à la vue d’une nature morte de Vlaminck ou de Matisse, qu’un frisson vous parcourt les reins si vous rencontrez les Dormeuses de Courbet ou les Vénus du Titien.
La vie, voilà ce que le peintre, être mortel, essaie d’immortaliser, et toute son œuvre ne doit être que l’affirmation de la vie, qu’hymne profond à la vie !
Ne jetez pas sur l’œuvre rencontrée un regard rapide, d’une sympathie condescendante, si l’œuvre a su accrocher votre regard, approchez-vous, et laissez s’établir entre vous et elle une conversation sincère, éloignée de toute convention hypocrite. Par son sujet, sa composition, l’harmonie de ses couleurs, elle vous parlera, calmera vos nerfs fatigués, vous rendra la joie et la Foi, vous fera mieux sentir que la vie est belle et digne d’être vécue.
Un commerce habituel avec les œuvres peintes affinera vos sens. « Vous ne passerez plus indifférents devant les collines rondes et fermes comme les seins d’une femme  » disait Giono, « devant la masse verte et grisonnante des arbres, devant l’anémone aux pétales gras et lourds, vous sentirez d’avantage l’immense beauté de la nature. Et joyeux, vous trouverez toujours à fortifier votre Joie. »

Rappelons que René Teil avait vingt-cinq ans lorsqu’il écrivit ces lignes.

1940-1950

Le canal à Chelles

René Teil est invité pour la première fois en 1941 dans une manifestation « officielle » : il participe au Salon d’Automne avec deux tableaux, « Brou sur Chantereine » et « Vue de Chelles ».( cf. Catalogue du Salon D’automne 1941, p.121) . A propos de ces deux toiles, la revue « Les artistes d’aujourd’hui », sous la plume du critique d’Art Pascal–Levis note qu’ «  un excellent paysagiste se révèle dans les œuvres de cet artiste (…). De beaux verts sonores, une large impression d’espace donnent beaucoup d’accent et de relief. (…) René Teil possède un talent vigoureux, plein de franchise, une belle technique s’alliant à des dons très sûrs ». C’est la première fois, à notre connaissance, qu’un critique d’Art reconnu s’exprime sur le travail de Teil, et ce premier Salon d’Automne sera aussi le lieu symbolique où s’annoncent pour lui de nouvelles perspectives, ouvertes par la personnalité de ceux qui l’accompagnent : on trouve en effet cette année-là parmi les Sociétaires du Salon tous ceux qui ont compté ou compteront plus tard dans l’oeuvre de Teil… Matisse, Marquet, Jacquemot, Dunoyer de Segonzac… mais aussi Cavaillès, Caillard, Brianchon, Planson, Legeult, Limouse, Oudot, Terechkovitch, les huit peintres du groupe désigné ultérieurement comme « Les peintres de la réalité poétique » qui croiseront plus tard le destin et la carrière de Teil. Nous y reviendrons.

René Teil à Lugny-Les-Macon (1946)En 1942, Teil expose à Paris avec d’autres peintres à la galerie Charpentier, et participe à nouveau au Salon d’Automne. Mais sa carrière ne prendra un véritable élan qu’en 1946, en recevant le premier soutien d’André Dunoyer de Segonzac à qui il était allé rendre visite pour lui montrer son travail. De l’estime d’un Maître dont la notoriété et le prestige sont considérables à l’époque naîtra sur le plan professionnel une caution précieuse et durable pour la stature du jeune artiste, et sur le plan personnel une longue relation protectrice et chaleureuse dont de très nombreux courriers échangés entre les deux peintres témoignent, livrant au passage un reflet original, pris « sur le vif », de la vie des artistes dont le classicisme figuratif prenait l’allure d’une croisade de « derniers survivants » dans la mouvance artistique de leur temps :

Courrier d'André Dunoyer de Segonzac à René Teil (1947)(…) Je pense aux jeunes qui comme vous bien doués – sincères – et créant une œuvre authentique – sans bluff – et vraie – vivent une époque de combines et de mensonge en art. Vous avez doublement du mérite à rester pur en prenant l’exemple sur Cézanne, qui a connu l’hostilité académique et la formule « officielle » ennemie de l’art Vrai, et qui a su persévérer toute sa vie. Notre époque connaît un double mensonge : la formule académique de l’école des Beaux-Arts est toujours là ; la  formule néocubiste soutenue par les « officiels » est aussi fausse et formulaire que l’autre.
La vérité est plus simple. Elle nous a été enseignée par Jean Fouquet, Poussin, Chardin, Corot, Cézanne et même le douanier Rousseau. C’était la ligne pure et vraie. Croyez bien que les combines, le bluff, la publicité, tout cela ne comptera pas dans le temps.
Toute ma sympathie pour votre œuvre et pour vous.
Segonzac.

(Carte postale adressée à René Teil le 4 janvier 1947).

Le golfe de St-Tropez le matinMarc Lacruz, qui fut le dernier marchand de Teil, mais aussi son voisin et ami dans le Beaujolais durant de nombreuses années, évoque encore en 2009 l’admiration éperdue que René Teil voua toute sa vie de peintre à André Dunoyer de Segonzac : « souvent, en été, il disparaissait pendant plusieurs semaines sans dire où il allait, mais moi je savais qu’il partait du côté de Saint-Tropez pour travailler aux endroits mêmes que fréquentait Segonzac, s’installait à 50 mètres de son chevalet et sans trop oser adresser la parole à ce peintre célèbre mais néanmoins ami, peignait tranquillement à ses côtés ».
C’est aussi Segonzac qui présenta le marchand Jean Baignères à René Teil. Rencontre importante s’il en fut, puisqu’à partir de 1947 et jusqu’en 1981, Jean Baignères se chargera d’organiser toutes les expositions de René Teil. Ce marchand, ami personnel de Paul Durand-Ruel, était le fils du peintre Paul-Louis Baignères qui avait été élève de l’atelier Gustave Moreau, et l’ami de nombreux peintres qu’il y rencontra, dont Marquet et Matisse. On peut supposer qu’il avait aussi connu Charles Jacquemot, le premier Maître de René Teil, puisqu’il travaillait à l’académie Julian à la même époque. Ainsi se dessinait progressivement un réseau de talents et de convictions esthétiques communes autour de Teil, construisant au gré des rencontres une filiation artistique qui influencera toute sa vie de peintre. La fidélité en amitié, une certaine forme de bonne humeur dans la résistance obstinée aux mouvements de modes de quelque nature qu’ils soient, semble avoir caractérisé tous ces artistes et marchands : outre René Teil dont il promouvra l’œuvre et le talent pendant trente quatre ans, Jean Baignères fut aussi le marchand de tableaux de Oudot durant toute sa vie. Caillard et Brianchon, Cavaillés, Planson – tous amis de Oudot – bénéficièrent aussi très longtemps de sa sollicitude et de son travail.

La première exposition personnelle de René Teil se tient en 1948 à la Galerie Chardin. Dans sa correspondance du 25 novembre, André Dunoyer de Segonzac lui prodigue quelques conseils en matière d’accrochage, de présentation des toiles choisies. Les courriers de cette époque entre les deux peintres, ou les notes de Teil en ses carnets, sont amusants à lire car on y parle « métier » autant qu’esthétique : «  Laissez dire les critiques ! Il n’y a de vrai que ce que vous avez vous-même profondément senti », lui conseille Segonzac. Ou encore, à propos d’une toile « La Grande Forêt », l’aîné recommande au jeune peintre « C’est beau, c’est puissant, ça. Mais méfiez-vous du vert émeraude. C’est une couleur qui ne vieillit pas comme les autres. ça ne baisse pas de ton !….Employez des verts faits avec de l’outremer et du cadmium citron ou du cobalt, et du jaune cadmium. Vos verts vieilliront comme vos autres couleurs… Préférez l’ocre rouge au Rouge de Venise… N’employez pas trop d’huile ! il y en a déjà trop dans les tubes ». Plus tard, en novembre 1951, René Teil rencontre André Dunoyer de Segonzac rue des Beaux-arts où il allait acheter des couleurs et ils parlent métier : « Achetez du Blockx! ce sont les meilleures peintures à l’huile. Pour l’aquarelle : Rowney. Signac qui avait beaucoup cherché les couleurs, leurs réactions chimiques, m’avait donné le conseil, je vous le transmets… »

La clairière en automneLe travail montré à la Galerie Chardin semble avoir rencontré un certain succès. En tous cas, il a fait réagir la critique : Jean Bouret, dans la revue « Arts » du 17 décembre 1948, trouve qu’ « il y a chez ce peintre la plus merveilleuse chose qui soit, le sentiment de la nature et l’amour des formes qu’il sous-entend…… couleurs et formes se répondent harmonieusement ». Alors que le grand critique d’art Guy Dornand, dans Libération du 11 décembre, salue « ce magnifique paysagiste dont les labours sentent la terre, ses verdures, ses sous-bois le parfum de l’humus ». C’est d’ailleurs à la suite de cette exposition que Guy Dornand présentera Teil au Prix de la Critique 1949, finalement remporté par André Minaux (les lauréats 1948 avaient été Bernard Buffet et Bernard Lorjou). Il faut aussi souligner qu’à partir de cette première exposition personnelle, l’estime, le soutien et l’amitié de Guy Dornand ne feront jamais défaut à René Teil, sa vie durant.

1950-1960

René Teil et sa petit fille ZounetteRené Teil expose à nouveau seul à la Galerie Allard en 1952. Une des toiles exposées –  « le champ d’avoine » – est achetée par l’Etat. (elle se trouve aujourd’hui à Rodez, dans la préfecture de l’Aveyron). L’essor de sa carrière désormais se confirme…
Il participe à une exposition de groupe présentée à Montpellier, Nîmes, Toulouse, Casablanca, qui réunit les paysagistes André Planson, Roland Oudot, Christian Caillard, Jules Cavaillès, Arthur Farges, Poncelet, Gabriel Fournier. Certains de ces peintres seront à partir de 1949 connus sous le nom de groupe des « Peintres de la Réalité Poétique ».
En février 1954, il expose au pavillon Marsan dans le cadre du « Grand prix de peinture E.Othon Friesz » une toile intitulée « Devoirs de vacances ». Trois mois plus tard, il compte parmi les jeunes talents d’une exposition qui se tient à Crécy en Brie (aujourd’hui Crécy-la-Chapelle), et on retrouve dans le Figaro du 26 mai 1954 sous la plume de E.-R. Collot quelques impressions de l’époque sur cette manifestation, jugée ainsi l’une des « plus valables qui ait été produite depuis bien des années en Ile-de-France ». René Teil y partageait les cimaises avec des peintres parmi les plus connus de son temps : André Dunoyer de Segonzac, Suzanne Valladon, Raoul Dufy…

Le Grand Morin à St-GermainLes « trompettes de la renommée » avaient-elles commencé à sonner dans son atelier, et ce bruit lui aurait-il fait peur ?… toujours est-il que sur son travail et sa vie plane alors un vide de quelques années que ni ses descendants et héritiers ni nous-mêmes ne sommes parvenus à combler.
On sait toutefois qu’il travaille beaucoup, sur les bords de la Seine et de la Marne, aux côtés d’autres peintres, certains déjà très célèbres. Dans le Beaujolais aussi, durant les vacances scolaires, où il avait acheté en 1949 une maison dans le village de Lancié, près de Villefranche sur Saône, terroir familial de son épouse Denise qui l’accompagne souvent dans ses excursions de peintre de la nature. Plus tard, ce sera sa petite fille, aujourd’hui capable de retrouver avec précision les lieux de ces paysages posés sur la toile ou brossés à l’aquarelle, d’identifier les verdures et les eaux de son enfance. Car René Teil peint son environnement, ce qu’il aime, ce qu’il voit. Au gré des saisons il peint, il peint – dans un style qui s’affirme et s’épure – la réalité de ce qui l’entoure. Outre les jeux de lumière dans la forêt ou les transparences de l’eau dans les rivières qu’il affectionne, son travail se nourrit aussi de ses lectures, de ses rencontres avec d’autres artistes – peintres ou écrivains surtout – dans une sorte de « géographie de la création » étirée entre Marne et Seine où d’autres partagent avec lui ce goût de la nature empreint d’une simplicité festive, amicale, chaleureuse, que nous tenterons d’évoquer tout à l’heure.

1960-1970

René Teil expose de nouveau à Crécy-en-Brie en mai 1960. D’autres peintres, dont André Dunoyer de Segonzac, sont à ses côtés. Puis il entreprend le seul voyage un peu lointain dont nous ayons la trace : des carnets de croquis élégants, vifs, rapides, sensibles nous indiquent qu’il passe à Delphes, Patras, Mykonos, Egine puis à Venise durant l’été 1960.
L’automne venu, Teil accroche ses toiles du 24 novembre au 12 décembre à la Galerie Framond à Paris, exposition pour laquelle Guy Dornand rédige une élogieuse introduction :
«  Sept ans d’absence des cimaises de galeries alors que dessins, aquarelles, huiles n’ont pas un seul jour cessé d’être son beau souci, sa vocation majeure… combien d’artistes disputent-ils à Teil ce record de discrétion protectrice d’un obstiné mais substantiel et noble labeur ? (…). Briard de naissance, on lui devra de conserver, fixé sur ses toiles, les sillons roux, l’ocre brun des arbres d’automne, les prés clairs qu’envahissent ou mutilent les banlieues tentaculaires. Seize ans après Dunoyer de Segonzac, à une lieue de distance de lui, il a grandi en bordure de la forêt de Sénart et c’est son terroir qu’exaltent l’architecture solide, la palette exacte de sa pâte. Sous des ciels mobiles, lumineux ou humides, son pinceau patient ordonne la symphonie des verts, la danse des reflets dans l’eau du Morin, le profil des églises rustiques, l’arabesque des routes… Il a foulé toutes les sentes, tous les vieux chemins en terrien qui jamais ne répudiera le conseil de son grand aîné : « si la terre vous colle aux godasses, ne l’enlevez pas ! ».
Pour cette exposition chez Framond, la critique montre aussi un vif intérêt comme en témoignent les articles parus dans  « Le Peintre », « L’Amateur d’Art », « Les Lettres Françaises », « Libération » ou les « Arts ». Cette année-là, Teil participe aussi au Salon de l’Aquarelle.

Plaquette de l'exposition à la galerie Durand-Ruel (1963)

Exposition à la galerie Durand-Ruel

En 1961, outre le Salon du Dessin, il est invité à deux expositions dans le foyer du Théâtre des Champs-Élysées en janvier d’abord, puis en février, où il est aux côtés de Marquet, Oudot, Planson, Chapelain-Midy, Brayer.
Une forme de consécration arrive enfin en 1963 : son marchand Jean Baignères organise une belle exposition chez Durand-Ruel du 2 au 15 janvier pour René Teil, Jean-Claude Chedal, Jacques Brivot, et Jean Podevin. Dans ce haut lieu de l’Histoire de l’Art, Teil dispose d’une salle entière qui lui est dédiée où il accrochera dix-sept toiles (archives Durand-Ruel, exposition du « Groupe Baignères » ; « cartons verts » de l’Institut national d’histoire de l’Art).

Exposition à la galerie Durand-Ruel (1963)

De 1963 à 1969, les expositions se succèdent à un rythme soutenu – une ou deux chaque année – parfois dans de prestigieuses galeries comme celle de Marie-Louise André à Paris en mai 1965, où il montre une trentaine de toiles. André Dunoyer de Segonzac lui offre pour l’occasion une jolie préface : «  Un art sain et direct, sans aucune formule, sans aucune forme de maniérisme, telle est l’essence et l’essentiel du grand talent de René Teil. Une émotion contenue et profondément sincère devant la nature et la vie. (…) Ayant suivi son talent depuis ses débuts, j’ai toujours été frappé par la continuité de son œuvre qui a pris progressivement plus d’ampleur, sans jamais tomber dans la facilité, l’artifice et les formules du moment : c’est avant tout un art de bonne foi ». Cette année-là est aussi celle des bouleversements : René Teil prend sa retraite d’enseignant et se retire dans sa maison de Lancié, en Bourgogne ; il est aussi frappé par le deuil de son épouse Denise, qui décède au mois de novembre.
Deux ans plus tard, Teil épouse en seconde noce Christiane Montagne avec qui il vivra à Viviers en Ardèche jusqu’à la retraite de celle-ci, en 1969. Le couple s’installe alors définitivement à Lancié.

1970-1980

L'Ain à ThoiretteProbablement parce qu’il est maintenant libéré de sa charge d’instituteur et dispose de tout son temps pour se consacrer à sa carrière de peintre, l’activité de Teil sera intense durant cette décennie. Pour la seule année 1970, on compte pas moins de cinq expositions, seul ou en groupe, dont une en novembre à la galerie Vendôme, à Paris. De cette période durant laquelle il donne à voir son travail une ou deux fois par an dans de nombreuses villes de France, on retiendra pour Paris la galerie Motte en 1972 et la galerie Weil en 1974 et en 1976, la galerie Malaval à Lyon en 1972 ; le Salon des artistes régionaux à Mâcon en 1976 où il est l’invité d’honneur ; ou encore un salon à Fontainebleau, où il fait don à la ville d’un tableau en 1974. Dans ce foisonnement de manifestations artistiques diverses, trois évènements feront date :
Rétrospective DufresnoyD’abord, une belle exposition en 1975 au Musée de Villefranche-sur-Saône où René Teil installe 45 toiles à côté de celles du peintre post-impressionniste Georges  Dufrenoy (1870-1943). Une filiation esthétique évidente reliait les deux artistes, puisque Dufrenoy avait été élève de l’académie Julian, compagnon de Pierre Bonnard, Derain, Emile Othon Friesz, Albert Marquet, Édouard Vuillard, unis autour de la Galerie Druet où il exposera jusqu’en 1934, date de sa fermeture. Ajoutons encore un lien supplémentaire entre ces deux peintres réunis par le Musée de Villefranche : Georges Dufrenoy, comme René Teil, avait des affinités personnelles avec ce terroir du Beaujolais.
Ensuite, sa première exposition en 1977 dans la galerie qu’un voisin et ami, Marc Lacruz, vient d’ouvrir à Belleville-sur-Saône : René Teil inaugure les lieux, et de ce premier lien entre les deux hommes naîtra une collaboration professionnelle, puisque Lacruz deviendra le second et dernier marchand de Teil, après la mort de Jean Baignères en 1982.
La Saone à GuérinsEnfin, les premières expositions en 1979 avec « les Peintres de la réalité poétique » dont la plupart avaient aussi Jean Baignères pour marchand : la peinture de Teil voyage en Suisse, en Allemagne et aux Etats-Unis en compagnie de celle d’Oudot, Caillard, Planson, Brianchon et Limouse ; et Marc Lacruz expose cinq peintres du groupe avec René Teil dans sa galerie de Belleville-sur-Saône d’avril à août. Nous reviendrons sur les rapports particuliers de Teil avec « La réalité poétique », dont il était très proche du point de vue esthétique.
Alors qu’il a soixante huit ans, un âge où approche le soir de la vie, une petite plaquette sur l’œuvre de René Teil est éditée en 1978, pour laquelle l’écrivain de l’académie Goncourt Armand Lanoux, ami de Teil et amateur de son travail ( on sait qu’il lui achète des toiles ), écrit une longue préface : « (…) Voilà un vrai peintre que je connais depuis un quart de siècle et dont le grand Dunoyer de Segonzac disait (et fort bien) que son art est sain et direct « sans aucune forme de maniérisme ». Au long des années, cet art s’est simplifié, affirmé, et il a su traduire par la matière, l’inestimable poids des choses. (…). La peinture de René Teil se situe dans les eaux de Dunoyer de Segonzac et de Planson, drue, forte, âpre et pleine, fille de Courbet et des maîtres de Barbizon, en prise directe sur la beauté naturelle pas encore magnifiée par l’artiste mais jaillissante, compositions, natures mortes, fleurs, femmes, produits de la terre, vastes paysages qui ont inventé l’écologie bien avant la mode.(…). Cet esprit de raison, Corot jadis l’incarna parmi bien d’autres. Il survit dans l’art de René Teil et prouve que « la matière », si chère aux peintres, est le nécessaire véhicule de l’esprit ».

1980-1985

AutoportraitLes deux dernières expositions de René Teil ont lieu à Nantes dans la galerie Mignon-Massart en 1980, puis à Troyes dans la Galerie des Quais où il accroche dix sept toiles du 25 septembre au 18 octobre 1981. La critique le considère alors comme appartenant au « groupe de la réalité poétique ».
La maladie de Parkinson dont il souffre depuis 1977 le contraint à arrêter de peindre en 1982. Dans ses dernières toiles, la lutte du peintre contre la maladie est manifeste. René Teil décèdera trois ans plus tard, le 3 septembre 1985, à Macon. Il repose selon ses dernières volontés à Lancié, auprès de sa première épouse, Denise.
René Teil a beaucoup vendu au cours de sa vie : que sont devenues ses œuvres aujourd’hui ?… certaines sont dans des collections particulières en Europe et aux USA, au Maroc aussi, mais les noms des propriétaires restent à découvrir… quelques toiles achetées par l’Etat sont à l’inventaire du Mobilier National… alors que dans aucun musée français nous n’en avons jamais trouvé trace.

Une « géographie de la création »

Grimaud en marsA partir des années trente, on rencontre facilement René Teil sur les bords de la Seine ou de la Marne, aux alentours de Crécy-en-Brie. Ce peintre peut-être plus qu’un autre « sur le motif », pour qui la poésie de la nature forme le creuset essentiel de son inspiration, gardera toute sa vie un attachement à ce terroir d’Ile de France d’abord, puis aux coteaux du Beaujolais à partir de 1949. De ses escapades vers Saint-Tropez pour y retrouver Segonzac et peindre à ses côtés, il ramènera aussi d’intéressants paysages de Provence.
Son chevalet et ses souliers sont tout ensemble plantés dans la glaise : « peinture du réel, peinture du vrai, comme elle est enracinée dans l’homme pour avoir su résister ainsi à la fois aux savonneries citadines de l’académisme que secouèrent les peintres du Salon des refusés sous le Second Empire, les pleinairistes et les impressionnistes, et dont Zola raillait les Vénus de baudruche dans les nuages de poudre de riz », écrira Armand Lanoux à propos de la peinture de Teil.
A partir de 1950, quand il n’est pas à Lancié durant ses vacances, Teil est souvent à Villiers- sur-Morin où il a des amis instituteurs qui le reçoivent le temps d’un week-end consacré à la peinture. Depuis le milieu du XIX° siècle, la Vallée du Grand Morin est un lieu d’inspiration pour les peintres, et cela reste vrai au XX° siècle. Ils s’y retrouvent, créent des lieux de rencontre, dont l’Histoire de l’Art a gardé parfois la mémoire : ainsi, la maison du pont de Villiers au bout de la vallée du Grand Morin est restée sous le nom du « Souterrain »,  auberge fort connue et prisée des milieux artistiques de ce temps. Teil y retrouve ses amis peintres, mais aussi des écrivains, des critiques, des éditeurs :  Armand Lanoux, Vercors, Hervé Bazin, Dominique Rollin (prix Fémina 1952), le sculpteur et dessinateur Bernard Milleret (il était « chef illustrateur » de la NRF chez Gallimard) fréquentent en sa compagnie « Le souterrain ». Degas, Derain, Man Ray, Brancusi… et combien d’autres ont aussi aimé la vallée du Grand Morin pour des séjours créatifs et festifs… La Marne à ChellesAndré Dunoyer de Segonzac y gravera une suite de douze eaux-fortes intitulées « Suite du Grand Morin » ; André Planson réside aussi dans ces parages, à la Ferté-sous-Jouarre ; Pierre-Eugène Clairin – dont on retrouve la signature avec un amical compliment dans le livre d’or d’une exposition de René Teil à la galerie Framond en 1960 – vit à Saint-Loup-de-Naud, où il attirera Maurice Mourlot qui y achète une maison en 1941.
Ainsi, se formait pour René Teil une culture artistique et intellectuelle, une éducation du goût nourrie de ses rencontres, de sa passion pour la littérature dont la bibliothèque très considérable qu’il a laissée atteste, et des amitiés aussi, solides, durables, fidèles. « Hervé Bazin, Armand Lanoux, venaient souvent déjeuner à la maison  » se souvient la petite-fille de Teil, aujourd’hui héritière de son œuvre, qui vivait chez son grand-père dans ces années-là.

Hypothèses sur une disparition

L’œuvre de René Teil a disparu des mémoires et du marché de l’Art. Son nom est absent de tous les moteurs de recherche sur Internet, absent des banques de données des ventes aux enchères. Pourtant, sa carrière – que nous venons de parcourir – ne donne aucune explication plausible à cette disparition. Les raisons sont donc ailleurs, et nous avançons ici des hypothèses pour tenter de les mettre à jour.
Au bord du ruisseauLa première raison probable tient à un faisceau de circonstances : d’une part,  lorsque René Teil décède en 1985, Jean Baignères – son premier marchand qui était un grand professionnel – l’a précédé dans la mort de quelques années, et n’est donc plus là pour continuer à « défendre » son œuvre. D’autre part, sur son lit de mort, Teil charge son fils André de continuer à faire vivre sa peinture… mais ce fils unique disparaît à son tour prématurément un an après lui, à l’âge de 56 ans. Enfin, et c’est peut-être le « coup de grâce » pour la survie de cette œuvre, des difficultés dans la succession du peintre feront que, durant vingt-quatre ans, le fond d’atelier considérable qu’il a laissé restera figé dans des greniers, sans qu’aucune toile ne puisse ni en sortir, ni être vendue. Ce « gel » a non seulement empêché d’alimenter une cote et de nourrir une existence du peintre René Teil au second marché, mais il a en plus entravé le désir que son second marchand et ami, Marc Lacruz, avait de continuer à montrer, promouvoir  et vendre la peinture de René Teil après sa mort.

La deuxième raison tient sans aucun doute au « climat esthétique » de ce temps : il est clair que la prévalence dans l’art du XX° siècle du cubisme d’abord, de l’abstraction ensuite, a mené la vie dure à un grand nombre d’artistes, dont la peinture figurative « sur le motif » -héritière plus ou moins lointaine de l’école de Barbizon – a été un peu plus engloutie dans le mépris ou l’indifférence alors que passait chaque décennie du siècle. Ce courrier de Segonzac adressé à Teil de Saint-Tropez le 18 janvier 1964 rend bien compte de ce climat :

Mon cher ami,
Très sensible à votre fidèle et affectueux souvenir – et votre sympathie – je vous exprime mes vœux les plus amicaux pour l’an 1964.
Je sens que 1963 vous a déçue. Il est évident que l’époque que nous vivons est défavorable aux artistes vrais – qui travaillent avec la sincérité et la Foi. Trop de bluffs, de combines, de publicités – de spéculation souvent malsaine – faussent le jugement du public et des amateurs.
Le Temps mettra les choses au point. C’est le plus sûr des Critiques.
Combien de grands ont connu le manque de compréhension et de jugement de leurs contemporains !….
Vous avez un beau talent très pur – très sain – qui a un accent de vérité devenu très rare à notre époque.
Seul survivra l’art authentique, qui est la pure émanation de l’artiste.
L’art artificiel, reflet des musées, les faux violents, toute cette mise en scène s’effondrera un jour.
Votre vieil ami qui a pour vous beaucoup de sympathie et d’estime,
A. Dunoyer de Segonzac.

Les peupliersLorsqu’on parcourt la carrière d’un René Teil ou des membres de sa « famille » esthétique, on s’aperçoit que les choses vont à peu près bien pour eux jusqu’à la fin des années soixante, et qu’ils manifestent en général une indifférence empreinte d’insouciance à l’égard des modes ou du succès international des grands maîtres de l’abstraction. Mais au début des années soixante-dix, ces peintres de la nature ne se vendent plus du tout ou fort mal, la critique tend à les délaisser complètement, et un découragement mêlé d’aigreur se fait sentir parmi eux. Hormis quelques artistes dont la renommée est déjà trop grande pour être affectée par ce climat un peu méprisant – Dunoyer de Segonzac, Dufy, Brayer, pour ne citer qu’eux… – ces peintres se sentent de plus en plus seuls et isolés, ils s’interrogent aussi et ils doutent. Alors que la peinture de René Teil est exposée à la galerie Motte à Paris, cette lettre que lui adresse Guy Dornand le 1er juillet 1972 résume bien ce sentiment d’abandon, de solitude, et c’est pourquoi nous la livrons ici intégralement :

Mon cher Teil,
Votre lettre m’est précieuse malgré les reproches tacites et hélas ! justifiés de ne vous avoir pas revu. Je suis bien revenu chez Motte mais vous étiez reparti. D’où l’impossibilité de vous interroger, de discuter ensemble.
Ce n’est pas la dureté de touches retenue par Claude-Roger Marx qui m’a, moi, amené à me poser des points d’interrogations. Faute de savoir dans quelle mesure le choix des toiles représente exactement la tendance dominante de votre facture de ces 2-3 dernières années, je ne puis me répondre. Les tonalités bleues m’ont paru moins correspondre à votre sensibilité si expressive, si persuasive dans vos paysages briards. Mais cette impression de visiteur pressé découle peut-être du fait qu’il vous fallait centrer la sélection sur une période, une région, sur les petits formats ? Donc, je n’ai rien à objecter, car la qualité y était présente et vous auriez tort de vous décourager.
L’époque est dure, en effet, pour tous les artistes qui ne coiffent pas la Peinture, la Sculpture, etc… des bonnets de la folie et respectent le sens de ces maîtres mots. Le mécénat de la marquise (de Pompidour) va, on le sait, de préférence dorer les déjections, expansions, sécrétions, sanies, poubelles d’un « gauchisme esthétique » aberrant. Il ne faut donc attendre rien de ce que l’on appelle encore par routine ou plutôt par antiphrase la Critique rien de bien efficace si l’on oublie que Mercure arbore volontiers un masque d’Apollon… A cela, prière d’ajouter la veulerie de tant de possédants, le mouton panurgisme de tant de pseudo-amateurs, la courtisanerie des fonctionnaires…
Conclusion : si je persiste à vivre quand vous envisagerez une nouvelle expo, soyez certain que, avant même de traiter avec une galerie, un après-midi ou une soirée de dialogue-exploration du problème pourrait être utile – à titre tout amical bien sûr et en toute franchise.
Dites, je vous prie, mes hommages à Madame Teil et trouvez ici l’expression très sincère de mon amitié – de ma vive estime.
Dornand.

Lus aujourd’hui, ces propos de Dornand, comme ceux de Segonzac d’ailleurs, ont indéniablement un caractère assez réactionnaire, « ronchon », « défense d’arrière garde ». Mais on peut cependant les comprendre si on regarde un instant le milieu esthétique de ce temps : quels étaient les artistes qui tenaient le haut du pavé et des cimaises à Paris à la fin des années soixante et au début de la décennie suivante ?… Aux peintres Pierre Soulages et Hans Hartung le Musée d’Art Moderne de Paris offrait d’immenses et très belles expositions rétrospectives au palais de Tokyo, les sculpteurs Calder et Jean Tinguely y entraient aussi en majesté, les compressions de César étaient achetées à prix d’or par l’Etat, Vasarely faisait la pluie et le beau temps au palais de l’Elysée occupé par le couple Pompidou qui se piquait furieusement de mécénat et de bon goût (d’où les sarcasmes de Guy Dornand reproduits ci-dessus sur la marquise de Pompidour !). Un peu plus tôt, c’était le Grand Palais tout entier qui célébrait le cubisme en érigeant de son vivant Pablo Picasso au statut enviable de « Monument de l’Histoire de l’Art »… On comprend mieux alors comment René Teil et ses amis, comment ces « petit maîtres » (le terme « petit » n’a rien ici de péjoratif) à la poésie simple et sincère, se sentaient douloureusement isolés. Et ce serait presque faire un trait d’humour narquois que de se demander quel regard ils portaient sur les stars de l’art contemporain en Amérique dans ces années-là, sur les boîtes de soupe Campbell d’Andy Warhol, sur les mouchetis de Jackson Pollock, ou même dans le genre figuratif sur la peinture hyperréaliste de David Hockney !… Ceci posé, on saisit mieux dans quel isolement ces artistes ont vécu, et pourquoi il aura fallu près d’un demi-siècle pour que les historiens de l’Art, les conservateurs de musées et les amateurs commencent à poser un regard véritablement neuf sur ces peintres dont la seule volonté de poursuivre une tradition héritée de Boudin ou Vlaminck était jugée bien souvent en leur temps  « complètement ringarde ».

Enfin, la troisième raison qui peut en partie expliquer l’oubli dans lequel est tombé René Teil tient peut-être à son caractère et à son mode de vie.
René Teil était instituteur, et par conséquent n’avait pas besoin de vendre sa peinture pour gagner sa vie. Du reste, il semble qu’il aimait ce métier, et que dans son esprit il ne se soit jamais opposé à sa carrière de peintre en dépit de toute la foi et l’énergie qu’il y a mise durant sa vie d’artiste. Au contraire, en libérant sa peinture d’une obligation de résultat économique, l’enseignement lui donnait en tant qu’artiste une liberté de ton et de décision dont il fera d’ailleurs grand usage : toujours libre et indépendant, jamais lié formellement à quiconque, seul avec ses pinceaux et ses toiles sans jamais s’intégrer à quelque groupe, mouvement, ou chapelle, il a conduit sa carrière dans une forme d’isolement et d’indifférence à la réussite, accentué par le côté « terroir », matois et parfois méfiant de son caractère volontiers solitaire. Même avec son marchand Jean Baignères, qu’il aimait bien et en qui il avait confiance, il ne s’est jamais livré totalement et n’a jamais donné formellement d’exclusivité comme le montre ce courrier du 15 août 1978 :

Portrait de Jean Baignères par CaillardMon cher Teil,
Comme convenu je vous écris après votre téléphone de tout à l’heure.
Voici très objectivement comment les choses se présentent : J’ai souvent scrupule à dire, craignant que les peintres croient que je dis cela ne visant que mon intérêt personnel, qu’il est très important pour leur standing que l’on croit qu’ils ont un contrat d’exclusivité avec un marchand et que pour avoir de ses toiles il faut passer par lui.
C’est grâce à cela que Oudot, par exemple, est arrivé à la situation qu’il occupe, situation très supérieure à celle de certains de ses contemporains qui n’ont pas compris la chose.
Comme je ne puis pas encore vous acheter toute votre production, il faut que vous jouiez le jeu de le faire croire et que vous disiez qu’il faut passer par moi.
Dans le cas du marchand  hollandais dont vous me parlez, voici ce que je vous propose : vous me donnez ses noms et adresses en le prévenant que je prendrai contact avec lui. Je lui donnerai comme prix le double de ceux que vous me faites. Sur ces prix, en cas de vente, comme les toiles sont à vous, les ¾ vous reviennent et ¼ sont pour moi.
Je fais mon affaire avec le marchand des frais de transport, d’Assurance et de formalités de Douane.
J’ai encore vu tout récemment, avec un marchand suédois que m’a envoyé Oudot, l’intérêt de ce processus.
Un détail qui a son importance : je peux dire au hollandais que c’est Segonzac qui, comme vous le savez, m’a incité à devenir marchand de tableaux et qui m’a aussi conseillé de m’intéresser à vous.
Jean Baignères.

Barrage de la SaôneCette lettre révèle un étonnant marchandage entre deux hommes qui, pourtant, travaillent ensemble depuis trente et un ans ! Le caractère un peu farouche de Teil – « le grand-père n’était pas commode » se souvient sa petite-fille ; « Teil était solitaire et taiseux », confie Marc Lacruz – lui a peut-être coûté le passage à la postérité en l’incitant à garder ses distances à l’égard du Groupe de la réalité poétique, peintres avec lesquels – outre de nombreuses expositions communes – il avait pourtant esthétiquement d’évidentes affinités. Pour comprendre les rapports de Teil avec ce groupe, qui nous apparaissent aujourd’hui un peu comme un « rendez-vous manqué », attardons-nous un instant sur lui.
Tout à fait informel, le groupe des Peintres de la réalité poétique a eu pour origine un livre publié par Gisèle d’Assailly sur huit peintres qu’elle aimait. Ecrivain, journaliste, Présidente des Editions Julliard de 1962 à 1964, Madame d’Assailly a rencontré le succès avec ce livre joliment tourné, et enrichi d’une longue préface du critique d’art influent de l’époque Claude-Roger Marx. Proche de l’un de ces artistes, elle fit la connaissance d’autres peintres de ses amis, qui lui présentèrent à leur tour leurs amis, et d’une succession d’articles sur leur travail sortit un livre intitulé « Avec les peintres de la réalité poétique ». Ce titre fit florès, au point que de lui naquit pour la critique – et plus tard pour les historiens de l’Art – un groupe éponyme, dont le ciment n’était  autre, au fond, que le bel adage « les amis de mes amis sont mes amis » !  De là, peut-on s’autoriser à penser que, l’un d’entre eux eut-il présenté Teil à Gisèle d’Assailly, il aurait naturellement intégré ce groupe issu de la publication d’un livre ?… et serait aussi présent dans l’Histoire de l’Art que le sont aujourd’hui les huit compères de la Réalité poétique : Brianchon, Caillard, Cavaillès, Legueult, Limouse, Oudot, Planson, Terechkovitch.
Sans titreOn peut peut-être évaluer la pertinence de cette question en lisant ce qu’écrivait Claude-Roger Marx dans son introduction au livre de Gisèle d’Assailly : « Le hasard n’a point présidé à la composition de cette galerie de portraits qui sont nés pour ainsi dire l’un de l’autre. La camaraderie ou les liens de travail qui unissent ces huit peintres a fait qu’ayant commencé par découvrir l’un, elle (Gisèle d’Assailly, ndla) fut conduite, de sympathie en sympathie, à résumer une génération. Maintes affinités de tempérament, de caractère ou de facture lui donnait l’impression, en passant d’un atelier à l’autre, de ne pas changer de climat, si différents que fussent le quartier ou le cadre, l’accueil, le serrement de main ou le sourire. Chez le bourgeois, chez le bohême, chez le voyageur, chez le sédentaire, elle se trouvait en présence d’interrogations identiques, des mêmes exigences et de solutions parallèles. La découverte d’aujourd’hui apparaissant comme complémentaire du pèlerinage fait hier aux antipodes dans Paris, tout, jusqu’aux légères divergences, jusqu’aux contrastes mêmes de l’inspiration, du métier, que soulignait la comparaison, poussait la visiteuse à rapprocher à nouveau dans son livre ces contemporains comme ils le furent souvent au Salon des Indépendants, aux Tuileries, au Salon d’Automne, dans les petites galeries, ou, plus solennellement, aux murs des musées ».

Carton d’invitation de l’exposition organisé par Marc LacruzQue cette question d’une appartenance « virtuelle et posthume » de René Teil au Groupe de la réalité poétique ait du sens ou qu’elle n’en ait pas, il n’en reste pas moins que ses liens avec ce groupe ont été réels.
D’abord, parce que presque tous ces peintres avaient – ou avaient eu durant un temps – Jean Baignères pour marchand. Ceci explique le carton d’invitation de l’exposition organisé en 1979 par Marc Lacruz dans sa galerie de Belleville-sur-Saône. Sous le titre « Les peintres de la réalité poétique » sont reproduites en fac simile les signatures de Brianchon, Limouse, Oudot, Caillard, Planson, et celle de Teil. « Puisqu’il était son marchand attitré, j’avais demandé à Jean Baignères la permission d’exposer René Teil, raconte Marc Lacruz. Et c’est alors lui qui m’a proposé d’intégrer à cette exposition ceux du groupe de la Réalité poétique dont il était le marchand ».
Neige au Mesnil-AmelotEnsuite, parce que le même Jean Baignères fera voyager ensemble les tableaux de Teil et de la Réalité poétique pour des expositions en Europe et aux Etats-Unis.
Enfin, le caractère hétérogène de ce groupe – caractère en quelque sorte congénital si on se souvient des circonstances de sa naissance – font que Teil y aurait eu naturellement sa place du point de vue esthétique aux côtés du grand Cavaillès, de Limouse et Planson, et dans une moindre mesure à proximité de Brianchon et Caillard. Risquons pour finir une dernière hypothèse : serait-ce la peinture de Oudot, Legueult et surtout Téréchkovitch qui aurait dissuadé Teil d’intégrer plus formellement « La réalité poétique » ?…

En proposant aux historiens de l’Art, aux Conservateurs de musées, aux critiques, aux collectionneurs la découverte de cet artiste oublié, nous avons simplement tenté ici de prolonger et de faire vivre cette remarque qu’André Dunoyer de Segonzac adressait à René Teil dans un de ses courriers : « Le temps mettra les choses au point. C’est le plus sûr des critiques ».

Alain Dunoyer de Segonzac

Aujourd’hui, l’important fond d’atelier laissé par René Teil appartient en totalité à sa petite-fille Madame Renée Beucher, née Teil. Il est désormais en grande partie répertorié, localisé, daté, photographié.Les archives collectées sur René Teil et son temps sont en totalité documentées et cotées.

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Ont participé à cette monographie :
Production : DDS-Conseil – Éditions Untash-Napirisha
Rédaction : Alain Dunoyer de Segonzac
Recherches et Documentation raisonnée : Florence Duhamel
Archives familiales : Renée Beucher
Documentation photographique du fond d’atelier : Daniel Beucher
Iconographie: Gilles Carmine
Photographie des œuvres : Roy Cutts
Edition : l’Atelier Gilles Carmine
Edition numérique : Juan Clemente
Création PDF : Audrey Julien
Remerciements pour leur aimable collaboration : Madame Inès Champetier de Ribes (née Baignères) ; Marc Lacruz, marchand de tableaux ;  Edouard Vasseur, responsable de la mission des archives au Ministère de la culture et de la communication ; Yann Onfroy et Marianne Brabant, bibliothèque des Arts Décoratifs ; Flavie Durand-Ruel et Paul-Louis Durand-Ruel, archives de la galerie Durand-Ruel.

© Pour les textes : Florence Duhamel et Alain Dunoyer de Segonzac – Dépôt SGDL décembre 2009.
© Pour les photos : Roy Cutts, Florence Duhamel, Alain Dunoyer de Segonzac.